Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son manque de parole, il se sentit brûler au dedans et au dehors de honte et de colère.

N’ayant pas le temps de chercher une autre excuse et reconnaissant bien qu’on lui disait la vérité, il resta sans réponse et la bouche close. Mais la vergogne lui traversa tellement le cœur, qu’il jura par la vie de Lanfuse ne vouloir jamais plus qu’un autre casque le couvrît, sinon celui si célèbre que jadis, dans Aspromonte, Roland arracha de la tête du fier Almont.

Et il observa mieux ce serment qu’il n’avait fait du premier. Puis, il s’en va si mécontent que, pendant plusieurs jours, il s’en ronge et s’en consume l’esprit, n’ayant d’autre préoccupation que de chercher le paladin, de çà de là, où il pense le trouver. Une aventure d’un autre genre arrive au brave Renaud qui avait pris des chemins opposés.

Renaud ne va pas loin, sans voir sauter devant lui son généreux destrier : « Arrête, mon Bayard ; arrête tes pas ; car être sans toi m’est trop nuisible. » À cet appel, le destrier reste sourd et ne vient pas à lui. Au contraire il s’en va plus rapide. Renaud le suit et se consume de colère. Mais suivons Angélique qui fuit.

Elle fuit à travers les forêts obscures et pleines d’épouvante, par des lieux inhabités, déserts et sauvages. Le mouvement des feuilles et de la verdure, s’agitant aux branches des chênes, des ormes et des hêtres, lui avait fait, par des peurs soudaines, tracer de çà de là d’étranges détours, car à toute ombre aperçue sur la montagne et