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difficile. Bientôt le sang coule le long du chemin rougi et qui peut à peine contenir tant de morts, car il n’y a ni bouclier ni casque qui puisse préserver là où l’impitoyable Durandal s’abat,

Non plus que les vêtements rembourrés de coton, ou les tissus roulés mille fois autour de la tête. Les gémissements et les plaintes s’élèvent dans les airs, en même temps que volent les bras, les épaules et les têtes coupés. La Mort cruelle erre sur le champ de bataille, sous mille formes horribles, et se dit : « Aux mains de Roland, Durandal vaut mieux que cent de mes faux. »

Un coup attend à peine l’autre. Bientôt, ils prennent tous la fuite, aussi promptement qu’ils étaient d’abord accourus, s’imaginant faire une bouchée d’un homme seul. Personne n’attend son ami pour s’ôter de la bagarre et s’éloigner avec lui. L’un fuit à pied, l’autre à grands renforts d’éperons ; aucun ne s’inquiète de savoir s’il prend la bonne route.

L’Honneur se tenait près d’eux, avec le miroir qui montre les taches de l’âme. Aucun d’eux ne s’y regarda, sauf un vieillard, dont l’âge avait glacé le sang, mais non le courage. Il comprit qu’il lui valait mieux mourir que se déshonorer en prenant la fuite. Je veux parler du roi de Noricie. Il met sa lance en arrêt contre le paladin de France,

Et la rompt sur l’écu du fier comte qui n’en est pas même ébranlé. Celui-ci, qui avait justement le glaive nu, en porte au roi Manilard un coup qui devait le traverser. Mais la fortune secourable