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nerais de toi-même les autres armes dont tu es revêtu. »

L’Espagnol vantard dit : « Déjà plusieurs fois, j’ai tenu Roland tellement serré, que j’aurais pu facilement lui enlever toutes les armes qu’il avait sur le dos, et non pas seulement son casque. Si je ne l’ai pas fait, c’est qu’alors je n’avais pas formé le dessein que j’ai depuis conçu ; maintenant je l’ai résolu, et j’espère pouvoir l’accomplir sans peine. »

Roland ne put se contenir plus longtemps ; il cria : « Menteur, brute de païen, en quel pays, à quel moment m’as-tu tenu en ton pouvoir, les armes à la main ? Ce paladin que tu vas te vantant d’avoir vaincu, c’est moi. Tu pensais qu’il était loin. Or, voyons si tu pourras m’enlever le casque, ou si je suis bon pour t’enlever à toi-même tes autres armes ?

« Je ne veux pas conserver sur toi le moindre avantage. » Ainsi disant, il délace son casque et le suspend à une branche de hêtre. En même temps, il tire Durandal. Ferragus, sans perdre le moins du monde courage, tire son épée et se met en position, de manière à pouvoir avec elle et avec son écu levé, couvrir sa tête nue.

Les deux guerriers commencèrent par faire décrire un cercle à leurs chevaux, tentant avec le fer le défaut de leurs cuirasses. Il n’y avait pas dans le monde entier un autre couple qu’on eût pu comparer à celui-là. Égaux en force et en vaillance, ils ne pouvaient se blesser ni l’un ni l’autre.