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putains qui aient jamais tiré la laine des quenouilles ? »

Puis, tourné vers Ferragns, il dit : « Brute, si je ne tenais compte que tu es sans casque, je t’apprendrais sans retard à connaître si ce que tu as dit est bien ou mal. » L’Espagnol répondit : « Pourquoi t’inquiètes-tu de ce qui m’est à moi fort indifférent ? Moi seul, contre vous deux, je suis bon pour soutenir ce que j’ai dit, bien que je sois sans casque. »

« Ah ! — dit Roland au roi de Circassie — rends-moi le service de lui prêter ton casque, afin que je le guérisse de sa folie, car je n’en ai jamais vu de semblable à la sienne. » Le roi répondit : « Qui serait le plus fou de nous trois ? Si cette proposition te paraît honnête, prête-lui le tien ; je ne serai pas moins capable que toi peut-être de corriger un fou. »

Ferragus reprit : « C’est vous qui êtes des imbéciles ; s’il m’eût convenu de porter un casque, vous n’auriez déjà plus les vôtres, car je vous les aurais enlevés malgré vous. Mais pour vous raconter en partie mes affaires, sachez que je vais sans casque, et que j’irai de la sorte, jusqu’à ce que j’aie celui que porte sur sa tête le paladin Roland. »

« Donc — répondit en souriant le comte — tu penses pouvoir faire, tête nue, à Roland, ce que celui-ci fit jadis dans Aspromonte au fils d’Agolant ? Je crois, au contraire, moi, que si tu le voyais face à face, tu tremblerais de la tête aux pieds. Loin de songer à vouloir son casque, tu lui don-