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torrents. Elle chercha sur terre et sur mer, et après avoir exploré la surface du monde entier, elle descendit dans les profondeurs du Tartare. Si, comme il en avait le désir, Roland eût possédé le pouvoir de la déesse d’Eleusis, il n’aurait, dans sa recherche d’Angélique, laissé inexploré aucune forêt, aucun champ, aucun étang ou aucun ruisseau. Vallées, montagnes et plaines, la terre et la mer, le ciel et l’abîme de l’éternel oubli, il eût tout vu. Mais n’ayant pas le char et les dragons, il la cherchait du mieux qu’il pouvait.

Il l’a cherchée par toute la France. Maintenant il s’apprête à la chercher à travers l’Allemagne, la nouvelle et la vieille Castille, se proposant ensuite de passer la mer d’Espagne et d’aller en Lybie. Pendant qu’il songe à tout cela, une voix qui semble se plaindre parvient à son oreille. Il pousse en avant, et il voit devant lui un chevalier s’éloigner au trot d’un grand destrier.

Ce chevalier porte dans ses bras et retient par force, sur le devant de sa selle, une damoiselle qui paraît très affligée. Elle pleure et se débat avec l’apparence d’une grande douleur, et appelle à son secours. À peine le valeureux prince d’Anglante a-t-il vu cette jeune beauté, qu’il lui semble reconnaître celle qu’il a cherchée nuit et jour en France et dans les pays voisins.

Je ne dis pas que ce soit elle, mais elle ressemble à la gentille Angélique qu’il aime tant. Roland qui voit emporter sa dame, sa déesse, en proie à une telle douleur et à une telle désolation,