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fond ; tantôt celles-ci montent jusqu’au ciel et cachent la lumière du soleil éclatant, tellement l’orque les fait rejaillir. À la rumeur, qui s’élève tout autour, on entend retentir les forêts, les montagnes et les plages lointaines.

Le vieux Protée, entendant une telle rumeur, sort de sa grotte et s’élève sur la mer. Quand il voit Roland entrer dans l’orque et en sortir, et traîner sur le rivage un poisson si démesuré, il s’enfuit à travers le profond océan, oubliant ses troupeaux épars. Le tumulte s’accroît au point que Neptune, ayant fait atteler ses dauphins à son char, courut ce jour-là jusqu’en Ethiopie.

Ino, toute en pleurs, tenant Mélicerte à son cou ; et les néréides aux cheveux épars ; les glauques tritons et les autres, s’en vont éperdus sans savoir où, les uns ici, les autres là, pour se sauver. Roland, après avoir tiré sur le rivage l’horrible poisson, voit qu’il n’a plus besoin de s’acharner davantage après lui, car, épuisé par les blessures et la résistance qu’il avait opposée, il était mort avant de toucher le sable.

Un grand nombre d’habitants de l’île étaient accourus pour contempler l’étrange bataille. Fanatisés par une religion fausse, ils regardèrent cette œuvre sainte comme une profanation. Ils se disaient qu’ils allaient se rendre de nouveau Protée ennemi, attirer sa colère insensée, et qu’il ramènerait ses troupeaux marins sur leurs terres, pour recommencer la guerre qu’il leur avait déjà faite ;

Et qu’il serait préférable de demander la paix au