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mais plus spécialement l’Italie ! Je vous ai dit, et je ne me trompe pas, que personne ne fut plus cruel parmi les esprits mauvais et impitoyables qui existèrent jamais au monde, que celui qui imagina de si abominables engins.

Et je croirai que Dieu, pour en tirer une éternelle vengeance, tient enfermé dans le plus profond du noir abîme, son âme maudite, près de celle de Judas le maudit. Mais suivons le chevalier qui brûle du désir d’arriver promptement à l’île d’Ébude, où les belles et faibles dames sont données en pâture à un monstre marin.

Mais plus le paladin avait hâte d’arriver, moins le vent paraissait en avoir. Qu’il soufflât de droite ou de gauche, ou même en pleine poupe, la marche était toujours si lente, qu’on ne pouvait faire que fort peu de chemin avec lui. Parfois, il s’affaissait complètement ; d’autres fois, il soufflait en sens si contraire, qu’on était forcé de retourner en arrière ou de louvoyer vers le nord.

Ce fut la volonté de Dieu qu’il n’arrivât pas dans l’île avant le roi d’Hibernie, afin que pût plus facilement s’accomplir ce que je vous ferai entendre quelques pages plus loin. Parvenant à la hauteur de l’île, Roland dit à son nocher : « Tu peux maintenant jeter l’ancre ici et me donner un bateau, car je veux descendre sur l’écueil sans être accompagné,

« Et je veux emporter le plus gros câble et la plus grande ancre que tu aies sur ton navire ; je te ferai voir pourquoi je les emporte, si je viens à