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tiemment le reste de ses armes, lorsque la dame, abaissant pudiquement ses yeux sur son beau corps nu, vit à son doigt l’anneau que Brunel lui avait enlevé jadis dans Albracca.

C’est l’anneau qu’elle porta autrefois en France, la première fois qu’elle en prit le chemin avec son frère, possesseur de la lance, tombée par la suite au pouvoir du paladin Astolphe. C’est avec lui qu’elle déjoua les enchantements de Maugis dans la caverne de Merlin, avec lui qu’elle délivra un matin Roland et d’autres chevaliers, tenus en servitude par Dragontine.

Grâce à lui, elle sortit invisible de la tour où l’avait enfermée un méchant vieillard. Mais pourquoi vais-je rappeler toutes ces choses, puisque vous les savez aussi bien que moi ? Brunel, jusque dans sa propre demeure, vint lui ravir l’anneau qu’Agramant désirait posséder. Depuis, elle avait eu constamment la fortune contre elle, et finalement elle avait perdu son royaume.

Maintenant qu’elle se le voit en main, comme je l’ai dit, elle se sent tellement saisir de stupeur et d’allégresse, que, comme si elle craignait d’être en proie à un songe vain, elle en croit à peine à ses yeux, à sa main. Elle l’enlève de son doigt, et après l’avoir tenu dans chacune de ses mains, elle le met dans sa bouche. En moins de temps qu’un éclair, elle disparaît aux yeux de Roger, comme le soleil quand un nuage le voile.

Cependant Roger regardait tout autour de lui, et tournait comme un fou. Mais se rappelant sou-