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précipite au plus épais de la troupe. Il en transperce un, puis un autre, et un autre, et un autre, tellement qu’ils semblent être de pâte ; à la fin il en enfile six, et il les tient tous embrochés à sa lance ; et comme elle ne peut plus en contenir, il laisse retomber le septième, mais si grièvement blessé qu’il meurt du coup.

Non autrement, on voit, le long des fossés et des canaux, les grenouilles frappées aux flancs et à l’échine par l’habile archer, jusqu’à ce que d’un côté et de l’autre sa flèche soit toute pleine et qu’on ne puisse plus en mettre. La lance de Roland se rompt sous le poids, et il se jette avec son épée au milieu de la bataille.

Sa lance rompue, il saisit son épée, celle qui jamais ne fut tirée en vain. Et à chaque coup, de la taille ou de la pointe, il extermine tantôt un fantassin, tantôt un cavalier. Partout où il touche, il teint en rouge, l’azur, le vert, le blanc, le noir, le jaune. Cimosque se lamente de n’avoir pas avec lui la canne et le feu, alors qu’ils lui seraient le plus utiles.

Et avec de grands cris et de grandes menaces, il ordonne qu’on les lui apporte ; mais on l’écoute peu, car quiconque a pu se sauver dans la ville, n’a plus l’audace d’en sortir. Le roi Frison qui voit fuir tous ses gens, prend le parti de se sauver, lui aussi. Il court à la porte et veut faire lever le pont, mais le comte le suit de trop près.

Le roi tourne les épaules et laisse Roland maître du pont et des deux portes. Il fuit et gagne