Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une armée, le roi ’de Frise conquit le reste de la Hollande. Birène, qui ne savait rien de tout cela, avait mis à la voile pour venir à notre secours.

« Le roi frison, avisé de ce fait, laisse à son fils le soin de continuer les préparatifs des noces, et prend la mer avec toute son armée. Il rencontre le duc, le défait, brûle et détruit sa flotte et — ainsi le veut la Fortune — le fait prisonnier. Mais la nouvelle de ces événements ne parvint pas encore jusqu’à nous. Pendant ce temps, le jeune prince m’épousa et voulut coucher avec moi, dès le soleil disparu.

« J’avais fait cacher, derrière les rideaux du lit, mon fidèle serviteur, qui ne bougea pas avant d’avoir vu mon époux venir à moi. Mais à peine celui-ci fut-il couché, qu’il leva une hache et lui porta un coup si vigoureux derrière la tête, qu’il lui ôta la parole et la vie. Moi, je sautai vivement à bas du lit et je lui coupai la gorge.

« Comme tombe le bœuf sous la masse, ainsi tomba le misérable jeune homme. Et cela fut un juste châtiment pour le roi Cymosque, plus que tout autre félon — l’impitoyable roi de Frise est ainsi nommé — qui m’avait tué mes deux frères et mon père ; et qui, pour mieux se rendre maître de mes États, me voulait pour bru, et m’aurait peut-être un jour tuée aussi.

« Avant que l’éveil soit donné, je prends ce que j’ai de plus précieux et de moins lourd ; mon compagnon me descend en toute hâte, par une corde suspendue à la fenêtre, vers la mer où son