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et, comme ils l’avaient dit, ils me livrèrent à lui, moi et ma ville. Le roi de Frise, sans me faire subir aucun mauvais traitement, m’assura qu’il me conserverait la vie, si je voulais consentir à ses anciens projets et devenir la femme de son fils Arbant.

« Me- voyant ainsi forcée, je voulus, pour m’échapper de leurs mains, perdre la vie ; mais mourir sans me venger m’eût semblé plus douloureux que tous les maux que j’avais déjà soufferts. Après avoir beaucoup réfléchi, je compris que la dissimulation pouvait seule servir ma vengeance. Je feignis de désirer que le roi me pardonnât et fît de moi sa belle-fille.

« Parmi tous ceux qui avaient été jadis au service de mon père, je choisis deux frères doués d’une grande intelligence et d’un grand courage. Ils étaient encore plus fidèles, ayant grandi à la cour et ayant été élevés avec nous dès leur première jeunesse. Ils m’étaient si dévoués, que leur vie leur paraissait peu de chose pour me sauver.

« Je leur fis part de mon dessein, et ils me promirent de m’aider. L’un d’eux alla en Flandre pour y appareiller un navire ; l’autre resta en Hollande avec moi. Or, pendant que les étrangers et les habitants du royaume se préparaient à célébrer mes noces, on apprit que Birène avait levé une armée en Biscaye, pour venir en Hollande.

« Après la première bataille, où un de mes frères fut tué, j’avais en effet envoyé un messager en Biscaye, pour en porter la triste nouvelle à Birène. Pendant que ce dernier était occupé à lever