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faire ce qui me plaisait, ne voulut pas me tourmenter plus longtemps, et pour me consoler, et faire cesser les pleurs que je répandais, il rompit la négociation. Le superbe roi de Frise en conçut tant d’irritation et de colère, qu’il entra en Hollande, et commença la guerre qui devait mettre en terre tous ceux de mon sang.

« Outre qu’il est si fort et si vigoureux que bien peu l’égalent de nos jours, il est si astucieux dans le mal, que la puissance, le courage et l’intelligence ne peuvent rien contre lui. Il possède une arme que les anciens n’ont jamais vue, et que, parmi les modernes, lui seul connaît. C’est un tube de fer, long de deux brasses, dans lequel il met de la poudre et une balle.

« Dès qu’avec le feu il touche un petit soupirail qui se trouve à l’arrière de cette canne et qui se voit à peine — comme le médecin qui effleure la veine qu’il veut alléger — la balle est chassée avec le fracas du tonnerre et de l’éclair, et comme fait la foudre à l’endroit où elle a passé, elle brûle, abat, déchire et fracasse tout ce qu’elle touche.

« À l’aide de cette arme perfide, il mit deux fois notre armée en déroute, et occit mes frères. À la première rencontre, il tua le premier en lui mettant la balle au beau milieu du cœur, après avoir traversé le haubert ; dans le second combat, l’autre, qui fuyait, reçut la mort par une balle qui le frappa de loin entre les épaules et qui ressortit par la poitrine.