Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres sur les durs rochers, ceux-ci dans les herbes, ceux-là sur les hêtres ou les myrtes. Toi, Roland, à peine as-tu clos tes paupières, que tu es oppressé de pensers aigres et irritants. Tu ne peux pas même trouver le repos dans un court et fugitif sommeil.

Roland se voit transporté sur une verte rive, toute diaprée de fleurs odoriférantes. Il croit admirer le bel ivoire, la pourpre naturelle répandue par la main même de l’Amour, et les deux claires étoiles dans les lacs desquelles Amour retenait son âme captive. Je veux parler des beaux yeux et du beau visage qui lui ont ôté le cœur de la poitrine.

Il éprouve le plus grand plaisir, la plus grande joie que puisse jamais éprouver un amant heureux ; mais voici venir une tempête qui détruit soudain et abat fleurs et plantes. On n’en voit pas de semblable, même quand l’Aquilon, le vent du nord ou du levant luttent ensemble. Il semble à Roland qu’il erre en vain par un désert pour trouver quelque refuge.

Pendant ce temps, le malheureux — il ne sait comment — perd sa dame à travers l’air obscurci. De çà, de là, il fait retentir la campagne et les bois de ce doux nom, disant en vain : « Malheureux que je suis ! qui donc a changé en poison la douceur que je goûtais ? » Et il entend sa.dame qui pleure, lui demande secours et se recommande à lui.

A l’endroit d’où paraît venir le cri, il va rapide, et s’épuise de fatigue à courir dans tous les sens.