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de caché dans les branches. Et il secoue tellement le myrte auquel il est attaché, qu’il encombre tout autour la terre dé ses rameaux. Il secoue le myrte au point d’en faire tomber les feuilles, mais sans réussir à s’en détacher.

Comme fait parfois un tronc d’arbre à la moelle rare ou absente, quand il est mis au feu, et que la grande chaleur consume l’air humide qui le remplit et le fait résonner en dedans, jusqu’à ce qu’elle se fraye un chemin au dehors avec un bouillonnement strident, ainsi murmure, crie et se courrouce ce myrte blessé, et enfin ouvre son écorce,

D’où, avec une voix triste et plaintive, sortent, distinctes et claires, ces paroles : « Si tu es courtois et accessible à la pitié, comme le montre ta belle physionomie, éloigne cet animal de mon arbre. Il suffit que je sois affligé de mon propre mal, sans qu’une autre peine, sans qu’une autre douleur vienne encore du dehors pour me tourmenter. »

Au premier son de cette voix, Roger tourne les yeux et se lève subitement. Et quand il s’aperçoit qu’elle sort de l’arbre, il reste plus stupéfait que jamais. Il s’empresse d’écarter le destrier, et, la rougeur sur les joues : <« Qui que tu sois — dit-il — pardonne-moi, esprit humain ou déesse des bocages.

« Je ne savais pas que, sous ta rude écorce, se cachait un esprit humain ; c’est pourquoi j’ai laissé endommager ton beau feuillage et insulter à ton myrte vivace. Mais ne tarde pas à m’apprendre qui