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« Et la-nuit même je m’échappai de la cour et j’allai trouver le duc. Je lui fis sentir combien il serait dangereux pour tous les deux que je fusse arrêtée. Il m’approuva et me dit de ne rien craindre. Par ses conseils, il m’engagea à me retirer dans une place forte qui lui appartient près d’ici, et il me donna deux hommes à lui, pour me servir d’escorte.

« Tu as vu, seigneur, quelles preuves de mon amour j’avais données à Polinesso, et tu peux juger si je méritais ou non de lui être chère. Or, écoute quelle récompense j’en ai reçue ; vois le prix dont il a payé ma grande affection ; vois si, parce qu’elle aime passionnément, une femme peut jamais espérer être aimée !

« Cet ingrat, ce perfide, ce cruel a fini par douter de ma foi ; il en est venu à craindre que je révèle ses coupables ruses ourdies de si loin. Il a feint, pour attendre que la colère du roi se soit apaisée, de vouloir m’éloigner et me cacher dans une de ses places fortes, et il avait résolu de m’envoyer droit à la mort.

« Car, en secret, il avait ordonné à mes guides, pour digne prix de ma fidélité, de me tuer dans cette forêt où tu m’as soustraite à leurs coups. Et son projet se fût accompli, si tu n’étais accouru à mes cris. Vois comme Amour traite ceux qui lui sont soumis ! »

Voilà ce que Dalinda raconta au paladin, pendant qu’ils poursuivaient leur route. Renaud fut charmé par-dessus tout d’avoir