Beaucoup de ces projets ne furent jamais exécutés ; l’œuvre de Pascal est loin de former un tout homogène. D’ailleurs cette allure disparate et fragmentaire correspond à l’état où les sciences étaient encore dans la première moitié du xviie siècle. Le moyen âge occidental avait, bien malgré lui, obéi à ces deux formules qui soulilignent d’une façon tragique l’éclipse des valeurs proprement spirituelles : Græcum est, non legitur — Geometricum est, non intelligitur.
Les premiers qui rouvrirent le temple de l’esprit, celui dont
le fronton porte l’inscription classique : Nul n’entre ici à moins d’être géomètre, furent à la fois des mathématiciens et des hellénisants
ils passèrent à pieds joints par-dessus la rhétorique des
Latins et la logomachie des Scolastiques, pour faire revivre un
Archimède, un Apollonius, un Diophante ; ils les « restituent » ;
ils tentent de les « promouvoir ». Aux problèmes des anciens s’en
ajoutent de nouveaux, suivant le hasard des circonstances. Les uns
sont suggérés par la vivacité d’une imagination curieuse comme
celle du P. Mersenne il « n’avait peut-être pas, dira Pascal, de
semblable pour former de belles questions, encore qu’il n’eût pas
un pareil bonheur à les résoudre )) (VIII, 195). Les autres sont posés
en termes de défi ; car les savants du temps de Louis XIII ont volontiers
des manières de duellistes, des gestes de matamores. Ils cachent
sous des énigmes les découvertes qu’ils publient, .à moins qu’ils
ne les gardent tout à fait secrètes, les réservant pour l’occasion où
ils pourront confondre un rival. Lorsque Pascal, au cours de l’année
1654, entre en relation avec Fermat au sujet des probabilités et
du calcul combinatoire, il ignore les résultats obtenus par son correspondant
dix-huit ans auparavant.Bien mieux, sur les six questions
concernant la Cycloïde, qu’il met au concours en 1658, quatre
étaient déjà résolues, sans qu’il s’en doutât, par Roberval, qui
avait été l’intime ami de son père et le sien. La Géométrie de
Descartes, qui devait décider la constitution de la mathématique
moderne en corps de doctrine systématique, ne contredit pas le
tableau des conditions générales qui étaient faites alors à la production
scientifique. On connaît le récit de Leibniz « Comme
M. Descartes faisait sonner fort haut sa méthode et la facilité
qu’elle donnait de résoudre des problèmes, M. Golius lui indiqua le
grand problème des anciens rapporté par Pappus, qui consiste dans
un certain dénombrement des lignes courbes parles lieux. D’autre
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