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LE ROYAUME


y oscille entre 10° en janvier et 25° en juillet, sans fortes variations diurnes. Des ruisseaux sinueux, limpides et fécondants, fouillent le sol d’alluvion et s’y creusent un lit souvent trop vaste. Le riz largement arrosé donne de splendides moissons ; les autres céréales réussissent à souhait. L’oranger, l’ananas, le bananier y donnent des fruits exquis. La vie, simple et douce, laisse à l’esprit le loisir de s’affiner. Au Sud, les barrières qui ferment l’accès aux armées de l’Inde laissent passer par une lente et sûre infiltration les bienfaits de la civilisation hindoue, les arts, les lettres, les religions, l’ordre social. Au Nord, deux passes, l’une praticable même aux chevaux, ouvrent la voie la plus aisée et la plus fréquentée entre l’Inde et Lhasa. À l’Est et à l’Ouest, des cols faciles mènent aux vallées latérales des Gandakis et des Kusis. Là, le contraste est brutal : des districts montagneux, des ravins profonds, des gorges sauvages, des pentes rapides où le sol est rare, où l’eau roule en torrents et dévaste sans irriguer ; en été l’aoul désole les bas-fonds ; en hiver la neige recouvre le haut pays. La population dispersée au hasard des maigres cultures vit en hameaux, souvent à demi nomade. Les villes, accrochées aux flancs des monts, y sont des bourgades avec un bazar et un château fort. Une féodalité oppressive morcèle le pays : le bassin de la Karnali est le territoire des vingt-deux Râjas (Baisi Raj) ; les Sept-Gandakis, le territoire des vingt-quatre Râjas (Chaubisi Raj). Les tribus des Sept-Kusis, à demi barbares, n’ont qu’une organisation rudimentaire de clans. La vallée centrale était naturellement désignée pour être le siège de l’hégémonie ; le pouvoir qui en dispose est sûr de s’imposer, par la supériorité de ses ressources, à la masse chaotique et indisciplinée des principautés voisines. Il est maître de s’étendre, vers l’Orient et l’Occident, aussi loin que le permettent la nature du sol, les nécessités du ravi-