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LE NÉPAL

En dépit des révolutions et des conquêtes qui ont bouleversé les pays voisins, Inde et Tibet, le Népal est resté depuis de longs siècles presque immuable dans ses limites traditionnelles. La nature même les avait tracées en lignes nettes. Au Nord, l’Himalaya dresse ses murailles colossales, couronnées de cimes géantes. Les rares passes qui traversent le massif et qui escaladent le plateau du Tibet ne sont praticables que de mai à septembre ; la neige les obstrue sept mois par an, et le voyageur qui s’y aventure en bonne saison court encore mille risques. L’avalanche le menace, le précipice le guette ; il lui faut s’accrocher aux roches, se suspendre à des cordes tendues au-dessus des abîmes, gravir des altitudes de 4 000 à 5 000 mètres. Au Sud, sur les confins de l’Hindoustan, les terres basses du Téraï sont plus redoutables encore ; les eaux entraînées des pentes voisines s’arrêtent, stagnantes, dans leur cuvette d’argile creusée au pied des monts, chargées de pourritures végétales. La malaria, mortelle, rampe dans l’air humide huit mois par an, de mars à novembre, et chasse l’homme, aussi bien l’Hindou des plaines que le montagnard du Népal ; en hiver les troupeaux des districts voisins viennent brouter l’herbe grasse ; mais, le printemps arrivé, la jongle appartient aux bêtes fauves. Derniers vestiges de l’humanité, des groupes clairsemés de races maudites ont pu seuls s’accommoder à ce séjour de pestilence et de mort. En arrière du Téraï, la nature a préparé d’autres lignes de défense : une forêt continue de sâls rejoint les Collines de Grès et en couvre les pentes ; les hauts fûts des arbres vigoureux jaillissent du sol poussiéreux et blanchâtre, et sous leur ombrage opaque pullulent à l’aise éléphants, tigres et rhinocéros ; l’homme n’y parait qu’à la saison froide pour chasser ou pour couper le bois précieux. Entre les Collines de Grès et les premiers soulèvements de l’Himalaya, le terrain se recourbe et se