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LE NÉPAL


l’étranger où s’exalte l’orgueil du brahmane allait éveiller l’Inde à la conscience, obscure et rudimentaire, il est vrai, de l’unité nationale.

Déjà, sous les auspices des religions aryennes, l’Inde savante avait réalisé l’unité linguistique ; le sanscrit, tiré des dialectes aryens, élaboré par les écoles grammaticales, réservé d’abord à l’orthodoxie brahmanique, avait été adopté ou usurpé par toutes les églises, s’était étendu à la littérature profane, s’était imposé aux chancelleries comme une langue officielle, et avait créé dans le chaos des parlers de l’Inde un moyen de communication universel entre les hommes d’étude et les « honnêtes gens » ; véhicule d’une pensée robuste et d’un art délicat, il avait propagé dans toutes les contrées de l’Inde un idéal commun de raison, de sentiment et de beauté. Côte à côte avec le sanscrit, d’autres langues, issues comme lui de la souche aryenne, mais qui ne prétendaient pas comme lui à la « perfection », avaient cheminé parmi les peuples, délogé les idiomes d’une grande moitié de l’Inde ; nourries de la sève aryenne, mais nées et grandies sur le sol hindou, elles étaient naturellement adaptées à servir de trait d’union entre les Aryas victorieux et les indigènes soumis.

Ainsi le génie aryen se manifeste, dans l’histoire du Népal aussi bien que dans l’histoire générale de l’Inde, comme l’agent essentiel du progrès, et le brahmanisme comme le représentant le plus authentique et le plus accompli du génie aryen. Mais, son œuvre à peine achevée, le brahmane voit surgir des concurrents qui prétendent la reprendre et la continuer. D’autres Aryens, parents oubliés et reniés, arrivent des extrémités de l’Occident, portant comme un signe de reconnaissance, après une séparation tant de fois séculaire, leur langage, frère germain du sanscrit, et leur soif fiévreuse de conquêtes. L’Inde impassible les a vus déjà se disputer entre eux par les armes le droit d’y répandre