Page:Lévi - Le Népal, t1.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
INTRODUCTION


l’infini vers le Xe siècle, se prêtait alors moins que jamais à des mesures d’ensemble contre une église. La volonté consciente, que nous aimons par orgueil à considérer comme le ressort de l’histoire, ne joua qu’un rôle médiocre dans la catastrophe du bouddhisme. Le bouddhisme disparut de l’Inde quand il y perdit sa raison d’être. Ses couvents et ses missions avaient pénétré, relié l’Inde entière, l’avaient initiée à l’unité par la foi et par le clergé ; ils avaient pu créer une communauté mondiale, « l’Église des quatre points cardinaux ». Leur œuvre s’arrêtait là ; leur discipline, uniforme et rigide, n’allait qu’à des moines ; la société laïque, trop souple, trop diverse, leur échappait. Pour préparer un nouveau progrès, il fallait le brahmanisme, ondoyant comme le monde hindou, apte à toutes les transformations, immuable seulement dans sa Loi sociale comme le bouddhisme dans sa Loi monastique ; c’est par lui que l’Inde allait réaliser l’unité sociale. Le bouddhisme, il est vrai, pouvait rendre encore à l’Inde un autre service à la veille d’une nouvelle invasion : pendant dix siècles il avait eu la gloire d’arrêter, d’adoucir, d’apaiser, d’absorber les conquérants barbares. Mais les nouveaux venus ne ressemblaient pas à leurs devanciers ; ils ne venaient ni de l’hellénisme élégant, ni des steppes crédules ; ils sortaient de l’Arabie farouche, soldats d’un dieu jaloux qui ne souffrait pas de rival. Au premier choc, la Perse, le Turkestan épouvantés avaient abjuré leurs vieilles croyances ; les avant-postes du bouddhisme avaient capitulé ; les couvents étaient incendiés, les moines dispersés ; avec eux l’Église du Bouddha s’était évanouie. Pour résister à cet élan furieux, le brahmanisme était un rempart plus solide. La rage de l’Islam devait s’épuiser en vain contre un adversaire insaisissable, sans chef, sans cohésion, invincible par sa dispersion même. Elle allait même le servir, grandir son prestige et sa force : la haine de