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INTRODUCTION


tibétains. Des récits pittoresques, recueillis dans le voisinage du Népal, montrent les pâtres de jadis arrêtés longtemps sur l’autre versant par les neiges et les glaces ; mais un d’entre eux, parti à la recherche d’une bête disparue, se laisse entraîner sur les neiges, franchit une passe et découvre un nouveau monde verdoyant et fertile. Il revient, l’heureuse nouvelle se communique de proche en proche ; une multitude de conquistadors s’élance sur le chemin du Sud.

La peuplade des Névars qui prenait possession du Népal appartenait à une race d’hommes que la nature a marqués d’une empreinte vigoureuse. Accoutumés à des altitudes qu’on croirait impraticables, exposés aux rigueurs glaciales d’un long hiver, mais fouettés par une bise vivifiante, ragaillardis par un été souriant, éloignés du commerce du monde, bornés dans leur horizon comme dans leurs ambitions, associant les jouissances de la vie nomade aux plaisirs rustiques de la vie sédentaire, ces bergers d’une Arcadie démesurée mêlent la douceur à la barbarie, l’églogue à la férocité ; le rire sonore et large, la gaieté franche et joviale, ils s’amusent comme des enfants, rêvent comme des sages, et frappent comme des brutes. Hordes de pillards sous un chef de bandes, armée disciplinée sous un maître de génie, la doctrine du Bouddha en a fait aussi des moines, des savants, des penseurs. Leur langue, fruste et rude, s’est pourtant accommodée sans effort à la poésie, à la science, aux spéculations abstruses. Issu de cette souche robuste, le rameau Névar, le plus rapproché de l’Inde, fut le premier à fleurir.

Le Névar eut d’abord à triompher d’un péril décisif. À l’Orient des bergers du Népal, une tribu parente avait occupé le bassin des sept Kosis ; répandue sur ce vaste territoire, que la nature elle-même avait découpé en étroites vallées par des barrières de hautes montagnes, la tribu des