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fille et à lui murmurer de galantes paroles. D’une main il tient les rênes de son cheval, de l’autre il fouille le sein de la chaste enfant.

Et, à l’ombre de son traîneau, sur ses moelleux coussins, il la viola brutalement, il la couvrit de déshonneur[1].

Déjà, le Créateur a envoyé une nouvelle aurore, déjà le grand Jumala a fait briller un nouveau jour. Alors, la jeune fille prit la parole, et elle dit : « D’où tires-tu ton origine, ô jeune homme plein d’audace ; de quel sang es-tu issu ? Peut-être appartiens-tu à une grande race, peut-être es-tu le fils d’un père illustre. »

Kullervo, fils de Kalervo, répondit : « Je ne descends ni d’une grande ni d’une petite race ; je descends d’une race moyenne. Je suis le fils infortuné de Kalervo : un triste et misérable garçon, une pauvre tête sans cervelle, un être maudit né pour le chagrin. Mais, raconte-moi, à ton tour quelle est ta famille : dis-moi si tu descends d’une grande race, si tu es l’enfant d’un père illustre. »

La jeune fille répondit avec franchise : « Je ne descends ni d’une grande, ni d’une petite race ; je descends d’une race moyenne. Je suis la fille infortunée de Kalervo : une pauvre et misérable créature, une faible enfant née pour le chagrin.

« Lorsque, naguère, dans ma tendre jeunesse, je vivais auprès de ma chère mère, je sortis, un matin, pour aller cueillir des baies dans le bois, des fraises sur la colline. Deux jours de suite, j’en cueillis avec ardeur, et, pendant les nuits, je dormais sur la verdure. Mais, le troisième jour, je ne pus retrouver le chemin de ma maison ; des traces de pas me conduisirent dans l’intérieur du bois, et me perdirent dans le désert.

« Là, je m’assis, versant des larmes amères. Je pleurai un jour, je pleurai deux jours ; enfin, le troisième

  1. « Siinä neitosen kisasi,
    « Tinariunan riu’utteli.
    « Alla vaipan vaskikirjau,
    « Paällä taljon taplikkaisen. »