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vu surtout la variété des circonstances des temps et des lieux. Il sera donc préférable d’en réserver en principe la solution aux corporations ou syndicats dont Nous parlerons plus loin, ou de recourir à quelque autre moyen de sauvegarder les intérêts des ouvriers et d’en appeler même, en cas de besoin, à la protection et à l’appui de l’Etat.

L’ouvrier qui percevra un salaire assez fort pour parer aisément à ses besoins et à ceux de sa famille s’appliquera, s’il est sage, à être économe. Suivant le conseil que semble lui donner la nature elle-même, il visera par de prudentes épargnes à se ménager un petit superflu qui lui permette de parvenir un jour à l’acquisition d’un modeste patrimoine. Nous avons vu, en effet, que la question présente ne pouvait recevoir de solution vraiment efficace si l’on ne commençait par poser comme principe fondamental l’inviolabilité de la propriété privée. Il importe donc que les lois favorisent l’esprit de propriété, le réveillent et le développent autant qu’il est possible dans les masses populaires.

Ce résultat une fois obtenu serait la source des plus précieux avantages. Et d’abord, la répartition des biens serait certainement plus équitable. La violence des bouleversements sociaux a divisé le corps social en deux classes et a creusé entre elles un immense abîme. D’une part, une faction toute-puissante par sa richesse. Maîtresse absolue de l’industrie et du commerce, elle détourne le cours des richesses et en fait affluer vers elle toutes les sources. Elle tient d’ailleurs en sa main plus d’un ressort de l’administration publique. De l’autre, une multitude indigente et faible, l’âme ulcérée, toujours prête au désordre. Eh bien, si l’on stimule l’industrieuse activité du peuple par la perspective d’une participation à la propriété du sol, l’on verra se combler peu à peu l’abîme qui sépare l’opulence de la misère et s’opérer le rapprochement des deux classes.