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presque toute la trame de la vie mortelle ; il en a fait des stimulants de la vertu et des sources de mérite, en sorte qu’il n’est point d’homme qui puisse prétendre aux récompenses s’il ne marche sur les traces sanglantes de Jésus-Christ. « Si nous souffrons avec lui, nous régnerons avec lui » (10).

D’ailleurs, en choisissant de plein gré la croix et les tourments, il en a singulièrement adouci la force et l’amertume. Afin de nous rendre la souffrance encore plus supportable, à l’exemple il a ajouté sa grâce et la promesse d’une récompense sans fin : « Car le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons en cette vie produit en nous le poids éternel d’une gloire souveraine et incomparable » (11).

Ainsi, les fortunés de ce monde sont avertis que les richesses ne les mettent pas à couvert de la douleur, qu’elles ne sont d’aucune utilité pour la vie éternelle, mais plutôt un obstacle (12), qu’ils doivent trembler devant les menaces insolites que Jésus-Christ profère contre les riches (13) ; qu’enfin il viendra un jour où ils devront rendre à Dieu, leur juge, un compte très rigoureux de l’usage qu’ils auront fait de leur fortune.

Sur l’usage des richesses, voici l’enseignement d’une excellence et d’une importance extrême que la philosophie a pu ébaucher, mais qu’il appartenait à l’Eglise de nous donner dans sa perfection et de faire passer de la théorie à la pratique. Le fondement de cette doctrine est dans la distinction entre la juste possession des richesses et leur usage légitime. La propriété privée, Nous l’avons vu plus haut, est pour l’homme de droit naturel. L’exercice de ce droit est chose non seulement permise, surtout à qui vit en société, mais encore absolument nécessaire. « Il est permis à l’homme de posséder en propre et c’est même nécessaire à la vie humaine. » (14) Mais si l’on demande en quoi il faut faire consister l’usage des biens, l’Eglise répond sans hésitation : « Sous ce rapport, l’homme ne doit pas tenir les choses extérieures pour privées, mais pour communes, de telle sorte qu’il en fasse part facilement aux autres dans leurs nécessités. C’est pourquoi l’Apôtre a dit : » Ordonne aux riches de ce siècle… de donner facilement, de communiquer leurs richesses (15) « . » (16)