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parmi les hommes des différences aussi multiples que profondes : différences d'intelligence, de talent, d'habileté, de santé, de force ; différences nécessaires, d’où naît spontanément l'inégalité des conditions. Cette inégalité, d’ailleurs, tourne au profit de tous, de la société comme des individus : car la vie sociale requiert un organisme très varié et des fonctions fort diverses ; et ce qui porte précisément les hommes à se partager ces fonctions, c’est surtout la différence de leurs conditions respectives.


2° Nécessité du travail et des souffrances

Pour ce qui regarde le travail en particulier, l’homme, dans l’état même d’innocence, n’était pas destiné à vivre dans l’oisiveté ; mais ce que la volonté eût embrassé librement comme un exercice agréable, la nécessité y a ajouté, après le péché, le sentiment de la douleur et l’a imposé comme une expiations. La terre sera maudite à cause de toi ; c’est par le travail que tu en tireras de quoi te nourrir tous les jours de ta vie. — Il en est de même de toutes les autres calamités qui ont fondu sur l’homme ; ici-bas, elles n’auront pas de fin ni de trêve, parce que les funestes fruits du péché sont amers, âpres, acerbes, et qu’ils accompagnent nécessairement l’homme jusqu’à son dernier soupir. Oui, la douleur et la souffrance sont l’apanage de l'humanité, et les hommes auront beau tout essayer, tout tenter pour les bannir, ils n’y réussiront jamais, quelques ressources qu'ils déploient et quelques forces qu'ils mettent en jeu. S'il en est qui s’en attribuent le pouvoir, s’il en est qui promettent au pauvre une vie exempte de souffrances et de peines, toute au repos et à de perpétuelles jouissances, ceux-là certainement trompent le peuple et lui dressent des embûches, où se cachent pour l’avenir de plus terribles calamités que celles du présent. Le meilleur parti consiste à voir les choses telles qu’elles sont et, comme Nous l’avons dit, à chercher ailleurs un remède capable de soulager nos maux