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l'avons dit plus haut, est une société proprement dite, avec son autorité et son gouvernement propre, l’autorité et le gouvernement paternel. C’est pourquoi, toujours sans doute dans la sphère que lui détermine sa fin immédiate, elle jouit, pour le choix et l’usage de tout ce qu’exigent sa conservation et l’exercice d’une juste indépendance, de droits au moins égaux à ceux de la société civile. Au moins égaux, disons-Nous, car la société domestique a sur la société civile une priorité logique et une priorité réelle, auxquelles participent nécessairement ses droits et ses devoirs. Que si les individus, si les familles entrant dans la société y trouvaient au lieu d’un soutien un obstacle au lieu d’une protection une diminution de leurs droits, la société serait bientôt plus à fuir qu’à rechercher.

Vouloir donc que le pouvoir civil envahisse arbitrairement jusqu’au sanctuaire de la famille, c’est une D erreur grave et funeste. — Assurément, s’il existe quelque part une famille qui se trouve dans une situation désespérée et qui fasse de vains efforts pour en sortir, il est juste que, dans de telles extrémités, le pouvoir public vienne à son secours, car chaque famille est un membre de la société. De même, s’il existe quelque part un foyer domestique qui soit le théâtre de graves violations des droits mutuels, que le pouvoir public y rende son droit à un chacun. Ce n’est point là usurper sur les attributions des citoyens, c’est affermir leurs droits, les protéger, les défendre comme il convient. Là toutefois doit s’arrêter l’action de ceux qui président à la chose publique ; la nature leur interdit de dépasser ces limites. L'autorité paternelle ne saurait être abolie, ni absorbée par l’État, car elle a sa source là où la vie humaine prend la sienne. Les fils sont quelque chose de leur père : ils sont en quelque sorte une extension de sa personne ; et, pour parler avec justesse, ce n’est pas immédiatement par eux-mêmes qu'ils s’agrègent et s'incorporent à la société civile, mais par l'intermédiaire de la société domestique dans laquelle ils sont nés. De ce que les fils sont naturellement quelque chose de leur père, ... ils doivent rester sous la tutelle des parents jusqu’à ce