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VIE ET LITTÉRATURE

blement de « cigale ». Dans maintes notices nécrologiques, d’ailleurs sympathiques ou enthousiastes, j’ai retrouvé ces qualificatifs d’« enchanteur » de « troubadour », de « poète léger ». Rien de plus faux qu’une telle conception. Mon père fut assez réaliste pour admettre que la « joie » et le « charme » font aussi partie de l’existence, où rien n’est uniformément noir ni cruel. Mais un battement d’élytres, un cliquetis dans le soleil expriment mal cet âpre travail, cette perpétuelle enquête sur soi-même. Lorsque nous publierons intégralement les pensées des Petits cahiers, on verra avec quel zèle il cherchait pour toutes les idées des formes plus tangibles, plus humaines. Poète admirablement doué, il se méfiait des métaphores autant qu’un philologue ou qu’un biologiste, comme il se méfiait des moindres causes d’erreur.

La vie lui apporte un épisode, un trait saillant. Il le fixe en quelques mots nets, puis continue la besogne commencée. Sa première remarque l’obsède par des analogies. Telle est, parfois, la genèse d’un livre. Mais ce livre même se présente à lui sous plusieurs aspects que je ne puis mieux comparer qu’aux attitudes d’un homme vivant. C’est alors une série d’ébauches, d’esquisses plus ou moins intenses, et certaines sont déjà mar-