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ALPHONSE DAUDET

Pourtant si méthode de travail fut soumise aux règles de la nature, ce fut assurément la sienne. Durant sa turbulente jeunesse, il ne s’assit jamais à sa table qu’enflammé par son sujet. Il affirmait que le talent est une « intensité de vie ». Ses contes manifestèrent cette formule.

Plus tard, sous l’heureuse influence de sa « discrète collaboratice », il canalisa et ordonna ses admirables facultés d’improvisateur. Il prit l’habitude du labeur quotidien, et, comme il arrive d’ordinaire, son cerveau s’assouplit, répondit à l’appel, subit la discipline. Fromont jeune et Risler aîné, Jack, le Nabab, les Rois en exil, l’Évangéliste, autant d’efforts continus, acharnés. Été comme hiver il se levait de grand matin, se mettait de suite à la besogne, sans autre excitant qu’une ablution d’eau fraîche, et il couvrait les pages après les pages de sa petite écriture serrée, nerveuse, élégante, que la maladie affina davantage, sans la priver d’aucun de ses attributs. J’ai maintes fois remarqué les analogies de son « type graphique » avec celui de Jean-Jacques Rousseau : même distinction minutieuse, mêmes intervalles des lettres et des mots, même souci de la ponctuation, même acuité du trait. Entre le manuscrit de la Nouvelle-Héloïse, que j’ai pu feuilleter un soir au château des Crêtes, grâce à l’obligeance de Mme Ar-