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VIE ET LITTÉRATURE

Delacroix, la rive du village et des bois, exposée en corniche au soleil, tiède, bienfaisante, est semée de châteaux historiques, Soisy-sous-Étiolles, Lagrange, Grosbois, qui rappellent le XVIIIe siècle, la Révolution et l’Empire. La rive gauche, vers Monthléry et Étampes, traversée par l’aqueduc de la Vanne, évoque des souvenirs en partie semblables, en partie bien plus reculés. Certains villages y sont du XIIe siècle.

Jadis, mon père adorait le canotage. Avec ses voisins Gustave Droz et Léon Pillant, avec ses amis Gonzague Privat et Armand Silvestre, avec son beau- frère Léon Allard surtout, il passait sa vie sur la Seine, fréquentant les auberges de routiers, remontant ces jolis affluents qui se perdent dans les propriétés, des parcs ombreux ou des usines : « Nous arrivons à un petit bras si étroit, si resserré qu’il nous faut débarquer, porter l’Arlésienne sur nos épaules. Nous sommes dans un jardin. Une jeune fille étonnée, interrompant sa lecture, nous voit, ton oncle et moi, tels que des Indiens de Cooper, chargés de l’embarcation, du gouvernail, des rames et de la gaffe… »

Alors aussi on courait les bois, à la recherche des champignons et des châtaignes. Il était fier de connaître les cèpes, de distinguer les bons à leur tulle. Il bondissait dans les taillis, moi sur