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ALPHONSE DAUDET

et Sisley. Quant aux maîtres, ses préférences allaient naturellement aux réalistes, notamment aux Hollandais, Rembrandt et Frantz Hals et à l’école française de paysage qu’illustrèrent Troyon, Rousseau, Millet, Chintreuil et vingt autres. Il rappelait les heures délicieuses passées chez ses amis les experts Bague et Gouvet ; Bague l’enchantait par son éloquence robuste, gouailleuse, où se bousculaient, rehaussés d’argot, les vrais élans d’une verve artistique.

Je me souviens d’une journée entière passée à feuilleter les planches de Goya ; il dit là des choses essentielles sur la vérité, dont le paroxysme est la cruauté, l’alliance de largeur et de minutie qui distingue les « courses de taureaux », les ressources crues d’ombre et de lumière, le dérèglement militaire et bohème spécial à l’époque, le dessèchement vireux, les angles brusques, la torsion voluptueuse de l’Espagne. Comme il s’agissait du Midi, il lut facilement les énigmes, nous déchiffra à première vue les Proverbes et les Songes fantomatiques. Cela se termina par un tableau de la frénésie spéciale aux peuples du soleil, le soleil, « cet alcool du sud ».

Lors de notre voyage à Londres, il demeura de longues heures assis au British Muséum, devant les Parques et les Frises du Parthénon : « N’est-ce pas que de ces groupes il se dégage une souve-