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ALPHONSE DAUDET

vaient en lui et le ravissaient. De là vint sa passion pour la musique, laquelle fut un adjuvant de son travail. Il est à sa table, dans son cabinet. Ma mère au piano, dans la pièce à côté. Mozart, Beethoven, Schumann et Schubert se succèdent, exaltent ou apaisent l’imagination de l’écrivain. « La musique est une autre planète ». — « J’adore toute la musique, la plus vulgaire et la plus haute ». Nul n’analysa et ne comprit mieux les maîtres de l’harmonie, nul n’exalta le génie de Wagner en termes plus magnifiques, en plus vives images : « La deuxième conquête, par Wagner et les philosophes. » Lorsqu’il allait au concert, souvent ses yeux se mouillaient de larmes, tant son émotion était vive. Je le sentais frémir tout entier. Sa mémoire auditive n’avait pas de limites. De quelle voix délicate et pénétrante il fredonnait les airs de son pays et de tous les pays ! Les beaux vers rehaussés de sons l’attiraient vers une lente mélancolie.

Autrefois Raoul Pugno, Bizet, Massenet, qu’il admirait et chérissait, en ces dernières années Risler et Reynaldo Hahn furent pour lui de vrais enchanteurs. Les mélodies de « son petit Reynaldo », qu’il lui faisait jouer trois fois de suite, d’un génie si précoce, si savantes et déliées, si perspicaces et mollement sensuelles, le mettaient positivement en extase. Il ferme à demi les yeux, assis