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VIE ET LITTÉRATURE

phases périodiques. Le chant du rossignol peut nous inspirer le dégoût d’une délicate machine remontée. Quelle poésie dans la chute des feuilles, le ralentissement des eaux qui se figent, si l’on songe aussitôt à l’alternative des saisons ! »

Ou je me trompe, ou la métaphysique elle-même, s’occupant enfin de la sensibilité, tiendra compte, dans un proche avenir, de ces raisons dites de poésie qui correspondent si profondément au besoin de liberté intérieure. Ou je me trompe, ou le grand systématique de demain mettra l’émotion en première ligne et lui subordonnera les autres facultés.

D’une probité intellectuelle absolue, en proie à l’incessant scrupule, mon père n’hésita jamais à s’avouer ignorant de quelque chose : « Je ne sais pas tiens, je ne connais pas. » Aussitôt, son œil s’allume. Tout à l’ardeur de se renseigner, il oublie les autres personnes, ne se préoccupant que de celle qui lui apporte un point de vue nouveau, un récit riche de conséquences.

Son savoir était vaste et précis. Il me surprenait moi-même quelquefois, quand la causerie tombait sur un sujet scientifique ou social, par la justesse de ses renseignements et l’ampleur de ses aperçus. Il lisait énormément, méthodiquement, s’assimilait les questions ardues avec une promptitude merveilleuse. Il démontait le fort et