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ALPHONSE DAUDET

des sauveteurs. Il y resta jusqu’à ce que les flammes vinssent griller ses sourcils et lui lécher les mains. Il n’avait oublié ni les cris, ni le craquement des poutres, ni les lueurs, ni l’effroi sur les figures, ni son propre émoi mêlé d’allégresse. Et comme il rendait tout cela ! En quels traits justes et saisissants !

Une autre fois, c’est une inondation, la brusque crue du Rhône, les « coups de bélier » de l’eau par les caves qu’il évoque, ajoutant le détail au détail, les regards tournés vers le passé. « Des barques, la barque où je suis, mon ivresse du danger, les inondés par grappes sur les toits des maisons, les gouffres grondants, les tourbillons, l’irrésistible des eaux furieuses ».

Le propre d’un esprit pareil, c’est de faire une tapisserie avec tant d’images disparates, de tout grouper, de tout classer, à son insu, par le lent travail de la réflexion, par l’agglomérat des images, par cette descente des impressions vives, qui les mettent de contact les unes avec les autres et forment le faisceau. Le propre d’un esprit pareil, c’est d’utiliser les moindres traits pour son incessant labeur, de comparer, de déduire, d’amplifier sans déformations, comme le cœur bat ou le poumon respire.

Prenez les œuvres des grands écrivains. Notez