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VIE ET LITTÉRATURE

de la genèse, l’origine d’un livre ou d’une pièce. Ensuite le ton s’élève. Cela reste vivant et clair, mais devient plus serré, plus précis. Les mots, gonflés d’expérience, juxtaposés sans lien apparent, néanmoins selon une attraction profonde, telle que les couleurs ou les traits dans une ébauche de Velasquez ou de Rembrandt, les mots d’un réalisme parfois cruel, tremblants d’angoisse et de sincérité, paraissent, ainsi que des visages, modelés par le cœur et les sens, éveillent des réflexions innombrables. Et de cette manière abrégée, de cette cohésion qui vibre, de ce tissu de chair et de nerfs sortent d’étonnantes formules, de fulgurants témoignages sur soi-même, d’une généralité plus grande que ces idées détachées de l’homme où se perd la métaphysique.

En résumé, ce travail d’analyse perpétuelle, d’une bonne foi qui va jusqu’au cri, montre dans la pensée de l’écrivain une ascension, une épuration continues, un zèle de porter la lumière par tout le ténébreux réseau de l’être, et comme une idéale patience.

Il y a plus que de la patience. Il y a de l’esprit de sacrifice. Je disais parfois en riant à mon père : « Comme tu es de sang catholique ! » Ces cahiers nous dévoilent, en dernier examen, l’état de sensibilité complexe d’une âme où le dogme s’est sans doute obscurci, mais où la religion a laissé