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DE L’IMAGINATION

rapport entre des phénomènes distants. Elle relie des régions écartées, et parmi les figures primordiales en surgissent d’autres fournies par l’union des points correspondants.

Il résulte de ceci que l’imagination des savants n’invente rien. Mais elle associe et elle clarifie. Cela est surtout visible dans les sciences mathématiques dont les adeptes tirent une telle vanité et une telle satisfaction qu’ils méprisent tout le reste des connaissances humaines. En effet, leur esprit, se mouvant dans une série de combinaisons qu’il a créées lui-même, a la joie perpétuelle que les parties de son raisonnement s’adaptent exactement aux conséquences de ce raisonnement. Leur imagination, qui ne fait que se constater, leur donne l’illusion de s’élargir, et ils n’ont pas ces écarts, ces discordances, ces approximations de la réalité dont la science a pris son parti aux époques récentes.

Mon Père. — Il faut accorder leur grandeur aux imaginations scientifiques. Des hommes tels que Darwin et Claude Bernard remplissent d’admiration un ignorant comme moi, parce que je sens dans leur œuvre une fièvre de vérité qui m’enchante, un scrupule merveilleux. Ils n’ont pas de honte à avouer leur erreur. Ils n’hésitent pas à bouleverser leur système, si ce système ne correspond pas aux faits.