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DE L’IMAGINATION

Nous savons aussi comment voit le peintre quand il peint et le musicien quand il compose. Nous avons, tout au moins, sur tous ces états créateurs, des notions et des témoignages que nous élargissons en théories et qui contentent notre paresse intellectuelle.

Ce que nous ignorons complètement, en revanche, c’est la manière dont se comportent les images chez un homme d’action. De récentes hypothèses philosophiques, dont il faudra bien nous inquiéter tout à l’heure, accordent aux images une puissance effective. Il est certain que, vives et agissantes, elles tendent sans cesse à se réaliser. Elles sont motrices, selon le mot de Fouillée. Un beau tableau, une belle symphonie, un beau morceau de littérature ne nous versent pas seulement de la force. Il nous entraînent encore à leur suite et nous mettent dans l’état cérébral le plus voisin d’eux-mêmes. C’est ainsi que les chants guerriers et le bruit des tambours « versent l’héroïsme au cœur des citadins ».

Si tu admettais les caractères et définitions métaphysiques, je dirais volontiers que l’homme d’action est celui chez qui les images ont la plus forte tendance à se réaliser.

Mon père. — Ma crainte de la philosophie ne va pas jusqu’à me faire repousser sans examen une formule tout au moins commode. Ce que je