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DE L’IMAGINATION

c’est le déchet de l’esprit qui se présente en premier à l’esprit.

Mais ce qui l’emporte en intérêt sur les phénomènes oratoires, c’est l’imagination chez l’homme d’action. Celui-ci, s’il est tourmenté par cette grande faculté, doit éprouver des déceptions et des satisfactions incomparables, puisqu’il est contraint de réaliser. Il en résulte que l’acte Imaginatif a chez lui moins d’importance que les moyens pour arriver au résultat. Et c’est l’équilibre de ces deux entreprises qui constitue la destinée du héros, comme dit Carlyle.

Nous savons bien ce que voit le poète, ou l’orateur, ou l’écrivain, pendant ses mirages d’imagination. Des mots, des consonances, à portée de son esprit, et plus haut d’étranges idées en perpétuelle métamorphose puisqu’elles vont entrer dans des corps variés, des costumes splendides, franchir les saisons et les climats, se fondre et se confondre avec d’autres, entraîner les foules, évoquer le passé. Il n’est vraiment rien de plus captivant pour l’esprit que de suivre la vie d’une image, sa longue et brève destinée, son origine, depuis le moment où elle se forme dans le cerveau de son maître, jusqu’à celui où, ayant couru le monde et réalisé sa force, elle tombe au réservoir commun des beautés de vitrines, des beautés qui n’ont plus d’action efficace.