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HIER ET AUJOURD’HUI

J’atteins ainsi les dernières années, ne m’arrêtant qu’aux stades lumineux de cette vie filiale, d’où dépend mon être tout entier. Si je parle de moi, c’est encore de lui qu’il s’agit, car je fus son champ d’expérience, hélas ! parfois revèche et sans moissons.

Mon père eût souhaité pour moi la carrière des lettres sous la forme de l’enseignement. Élever de jeunes esprits jusqu’aux idées, les suivre pas à pas, former en eux la morale et développer la puissance sensible, lui semblait le plus beau des devoirs. Il admirait tous ceux qui, à notre époque, ont pris, comme il le disait, « charge d’âmes », et il témoignait à mes maîtres de Louis-le-Grand, MM. Boudhors, Chabrier, Jacob, etc., une sympathie et un respect dont la plupart, sans doute, se souviennent. Comment et pourquoi la destinée m’entraîna-t-elle d’abord vers la médecine, voilà ce que j’examinerai autre part. Ses maladies à lui et les visites aux grands docteurs y furent sans doute pour quelque chose, tant la jeunesse est impressionnable.

Mais le jour où cette carrière me rebuta, où je me dégoûtai du charnier, des examens et des concours, il respecta mon évolution. Mes premiers essais littéraires, que je lui lus aux eaux de Lamalou, furent résolument encouragés par lui et, dès ce moment, entrant dans une allée où