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DE L’IMAGINATION

sonnel. Il en résulte que fort rarement un corps d’étude, où de grands progrès ont été accomplis par un homme de génie, continue à solliciter l’attention des esprits supérieurs. Le champ de la science me semble ainsi couvert de magnifiques constructions inachevées.

Moi. — Si l’on étudie en ce siècle les mouvements et la marche de l’Imagination scientifique, on trouvera dans les découvertes une éclatante confirmation de tes paroles. Qui donc a repris depuis Bichat, l’étude macroscopique des tissus et de leurs relations, étude toute différente des travaux histologiques qui sont en vogue aujourd’hui ? Qui donc a repris, depuis Claude Bernard, l’étude approfondie des vasomoteurs et des sources de la chaleur animale ? L’École de la Salpêtrière a vulgarisé les travaux de Duchenne de Boulogne, mais elle a complètement abandonné les relations entre les groupes musculaires et les manifestations sentimentales, c’est-à-dire la partie la plus géniale de l’œuvre du grand méconnu. Il n’y a pas à parler en France de la science médicale pour ces vingt dernières années. L’esprit de concours et de coterie a tué chez nous toute initiative. Le champ est demeuré libre pour les intrigants et les sots, et il faudra encore quelques stades pour qu’une réaction se produise. Il semble que les admirables travaux de Pasteur, dont l’origine fut libre