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ALPHONSE DAUDET

homme se couche, et demande un bouillon qui le remettra.

« Si l’homme et la femme, poursuivait-il, sont du midi, ce petit drame n’a que peu d’importance. Mais, si la femme est du nord ou inversement, il se produit tantôt un phénomène de fatigue : la tendresse s’épuise, les époux se séparent ; tantôt un phénomène de contagion : ils deviennent violents tous les deux… et c’est la solution la meilleure. »

Il mimait, de la façon la plus exacte et la plus gaie, ces scènes de fureur vite tombée, ces alternatives de douceur extrême et de rage, qui sont, dans le midi, la menue monnaie conjugale. « La tante Portal » de Numa Roumestan est, comme pas mal d’autres personnages, un portrait de famille, car l’emprise de la réalité était si forte qu’il lui était impossible de rendre ces réminiscences méconnaissables :

« Oh ! la force de la chose vue, observée… jusqu’à la couleur des cheveux, à la forme du nez, à un tic, à une grimace qui semblent nécessaires, indispensables à la silhouette ! La nature, merveilleuse artiste quand elle accentue un caractère, complète le physique par le moral, de telle sorte que la plus simple modification a l’air d’une supercherie. L’individu, le type, emporte avec lui son mobilier, ses vêtements, sa manière, tout son cadre.