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ALPHONSE DAUDET

margue, soit sur les plateaux salés des Alpes, entre les marais et les étoiles. »

Pour quiconque a vécu dans un « mas » du midi, de l’existence des « pacans » ou des gardiens de chevaux, l’Arlésienne est une œuvre d’une vérité extraordinaire. On retrouve les principaux types, le « berger », le « baïle » et la « baïlesse », Les « innocents » ne sont pas rares. Il est alors curieux de voir comment Alphonse Daudet a groupé tous ces éléments, tiré de leur jonction une tragédie poignante, où sont ranimées la vigueur, l’unité, l’harmonie des poèmes antiques.

L’histoire d’un jeune provençal qui se suicida par amour, deux femmes s’appelant dans la vaste plaine, une voix aiguë, une voix grave : telle est la genèse du drame. Mon père la raconta souvent. Il aimait à rechercher dans ses souvenirs les lignes directrices et il apportait là une extrême perspicacité : « Comme ces deux voix de femme alternaient dans l’espace, au crépuscule, je sentis qu’elles me pénétraient d’une manière étrange et l’ « Arlésienne » m’apparut, ainsi qu’une hallucination rapide. De même, un soir, à la chute du jour, devant les ruines roses et dorées des Tuileries, j’eus la vision des Rois en exil et la formule qui achève mon livre : Une grande vieille chose morte. »

Ce problème des origines d’une œuvre, de l’é-