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ALPHONSE DAUDET

entre lesquels oscillent les caractères et les tempéraments. Autant il serait exagéré de rapporter toutes les variations morales à des questions de climat, autant il serait fou de ne pas tenir compte des divergences énormes qu’amènent les degrés de latitude. »

C’est dans son enquête à ce sujet que m’est apparue le plus vivement une de ses qualités maîtresses : l’absence totale de pédantisme.

Notre époque, qui se prétend libérale, est une de celles où l’on a peut-être invoqué le plus fréquemment le principe d’autorité en matière intellectuelle. Les révolutionnaires n’aspirent qu’à fonder des écoles, à dresser un dogme, à styler des fidèles. Les indépendants érigent tout de suite une bannière sur laquelle le mot « Indépendance » se lit en caractères gigantesques, et débutent par dénier à leurs adversaires tout bon sens et toute bonne foi. Une nouvelle forme d’hypocrisie, « l’hypocrisie scientifique », vient d’être récemment instaurée. À l’abri de termes obscurs, de consonnances grecques et latines, une multitude de notions inachevées et confuses sont devenues des armes de guerre aux mains de cuistres insupportables qui les brandissent en toutes occasions.

Jamais je n’ai entendu mon père employer un mot qui ne fût point de la langue usuelle. Il avait,