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LE MARCHAND DE BONHEUR

employés et subalternes, connaissant sa manie, ne se présentaient devant lui que geignant, se lamentant, avouant des souffrances illusoires, la figure traversée d’un bandeau, »

Sur l’Envie et la Vanité, les récits des petits cahiers sont innombrables et je ne veux point déflorer ces pages merveilleuses qui paraîtront bientôt en librairie : « Quand je relis mes notes, je m’aperçois de la difficulté de faire un personnage avec cet ensemble de ridicules que provoque, entretient, accroît la vanité. C’est du gaz, du vide, de la viande creuse ! »

Il observait attentivement la vanité chez les enfants et chez les femmes. La naïveté de ce vice, en ces dernières, l’enchantait : « Elles sont comme des négresses avec leurs verroteries. » Il avait étiqueté jusqu’à la vanité des malades, qui les porte à exagérer leurs souffrances. Un petit infirme de Lamalou lui avouait son contentement devant la sympathie provoquée, la fierté de sa triste voiture qui le faisait « différent des autres ! »

« Pauvres comédiens que nous sommes et dupes de nos comédies ! » Il constatait combien sont rares les hommes simples et sûrs d’eux-mêmes, tels en particulier qu’en public, que ne trouble pas le fait de se sentir regardés, observés : « Comment nous, littérateurs, échapperions-nous à ce cabotinage, lorsque nos moindres gestes sont