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LE MARCHAND DE BONHEUR

versée de l’univers. Certes Loti est un écrivain génial, mais il n’a point fermé la route des navigateurs et des rêveurs. Et, quant aux glorificateurs de leur logis, de leur berceau, voici Rodenbach, le plus exquis, le plus raffiné des poètes et des prosateurs, tout trempé dans les brumes flamandes, dont la phrase a la douceur des beffrois, la tendre dorure des châsses et des vitraux ; voici Pouvillon, à qui nous devons la physionomie complète et pleine de charme de la région montalbanaise. Les exemples sont infinis. Nomades ou sédentaires, que tous conforment leur œuvre à leurs désirs et chantent ce qui les enchanta. »

Nous ne sommes pas loin de la Caravane. De telles causeries embellissent les journées des voyageurs, sont tenues à un tournant de route, devant le parc d’un vieux château, tandis que la nature s’assoupit par le crépuscule et que les domestiques préparent le repas. Selon son caractère, chaque personnage devient l’avocat d’une théorie conforme à sa structure morale. Les sujets sont amenés par les hasards du dehors, comme cela arrive quand nous nous laissons délicieusement aller au cours de nos pensées.

« Mais, ajoutait mon père, je ne leur permettrai pas de longtemps philosopher, de fatiguer le lecteur. Leurs opinions suivront la courbe de leurs aventures. Je ne veux point de marionnettes char-