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ALPHONSE DAUDET

Nous sommes en landau. Le ciel est clair. Au bord de la grande route est assis un loqueteux : face obscure, pas de linge, des yeux de colère et de lassitude. La splendide nature étincelle autour du vagabond, comme pour exaspérer sa détresse. Bon gré mal gré, il faut qu’on s’arrête. Mon père ne peut descendre, mais il parle à l’homme tandis que je transmet l’aumône du « monsieur riche », et il s’informe familièrement, avec une bonhomie conciliante, le désir si vrai d’excuser la disproportion que la maigre figure s’apaise et se détend. On repart… alors, mon doux ami : « Les chevaux, le cocher, la voiture, tout conspire pour qu’on passe au large, tout lutte contre la charité, tout s’indigne contre le traîne-savate. C’est cela, la fortune. Des coussins du landau on ne voit pas les pauvres. Ils font partie d’un autre monde ; les favorisés se détournent. Mais les regards des malchanceux amassent de la haine… Rien ne se perd… comme en chimie. »

Parmi les œuvres en préparation, une des plus importantes, dont nous possédons de nombreux fragments et le plan général, a pour titre : La Caravane.

Le lien du livre est un voyage en roulotte, réalisé par deux couples d’amis, hommes et femmes, de caractère opposite, de vive intelligence, entre.