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CHAPITRE  III
LE MARCHAND DE BONHEUR

Mon père répétait souvent : « Je voudrais, ma tâche achevée, m’établir marchand de bonheur. Mon bénéfice serait dans mon succès. »

Il ajoutait : « Tant d’hommes sont des somnambules, traversent l’existence sans voir, butant contre les obstacles, se heurtant le front à des murailles qu’il eût été facile de contourner. J’ai mis dans la bouche d’un de mes personnages : Les choses de la vie ont un sens, un endroit par où on peut les prendre. Ce n’est point là une métaphore. »

Puis il secouait la tête avec un demi-sourire indulgent, et soupirait : « Il n’y a point de banalité dans le monde, il n’y en a que dans les esprits. Renan s’attriste quelque part de ce que Gavroche est aussi savant que lui. Mais Gavroche