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LA VIE DE JÉSUS

— Dis donc, chérie, aurait-il fait, il me tombe une tuile sur la tête : ces animaux de percepteurs me réclament l’impôt du didrachme, sous prétexte que je ne suis pas docteur de la Loi. Aie la bonté, ma toute belle, de m’avancer un franc soixante ; je te rendrai ça un jour ou l’autre… l’autre, probablement.

La Magdeleine n’aurait pas refusé un franc soixante à Jésus-Alphonse, qu’elle assistait de ses biens.

Mais elle n’était pas à Capharnaüm.

Jésus haussa les épaules, lorsque Pierre lui fit part des réclamations des percepteurs.

— Ces gens-là sont étonnants, mon vieux Pierre, dit-il. L’impôt du didrachme est perçu au profit du culte de Jéhovah ; parfait. Eh bien, quand un roi établit un tribut, l’exige-t-il de ses enfants ou de ses sujets ?

— Cette bêtise !… C’est de ses sujets, parbleu !

— Alors, moi qui suis fils de Dieu, je ne dois pas avoir à payer un tribut perçu au nom de Dieu…

— Dame ! repartit Pierre embarrassé ; je ne dis pas qu’au point de vue de la logique votre raisonnement ne soit pas très fort. Seulement, je doute que ces enragés percepteurs l’acceptent. Ils parlent de vous coffrer, si vous ne payez pas.

— Alors, il faut payer. Mon heure n’est pas encore venue.

— Payer ? Mais avec quoi ?

— N’avons-nous pas par-là quelque ami qui pourrait nous prêter la petite somme ?

— À Capharnaüm ?… Ma foi, depuis votre discours sur votre viande et votre sang, les habitants ne sont plus les mêmes. Nous ne trouverions pas un chat à qui emprunter dix sous.

— Cristi ! c’est gênant…

— Faites un miracle, patron.

— Un miracle, je ne dis pas non ; mais il ne faut pas abuser des miracles… Enfin, puisqu’il n’y a guère moyen de s’en tirer autrement, écoute-moi bien… Tu vas te procurer une canne à pêche et un hameçon, tu iras au lac et tu jetteras l’amorce ; le premier poisson qui mordra, tu le prendras et tu lui ouvriras la bouche ; tu y trouveras un statère, c’est-à-dire quatre drachmes (soit 3 fr. 20) ; avec cela, tu payeras le tribut pour toi et pour moi.

Pierre obéit ; le miracle eut lieu, et le tribut fut payé. (Matthieu, chap. XVII, vers. 23-26.)

Ce jour-là, Jésus fut de bonne humeur. Il se moqua agréablement de ses apôtres qui se disputaient entre eux, parce que trois seulement avaient été menés sur le Thabor. Jésus, voyant que chacun était ambitieux de devenir le vice-président de la société, leur dit :

— Si quelqu’un veut être le premier, il faut qu’il soit le dernier et le serviteur de tous.

Personne n’ignore que le pape se donne comme le chef de la chrétienté ; mais je n’ai jamais entendu dire que, mettant en