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prouve peu de confiance en elles. — Il est même singulier que ce manque de respect soit le fait de tous les dévots.

Cependant, tout le monde le reconnaît, un grand malaise existe, qui peut devenir un grand désordre. La question politique se trouve résolue en droit, sommairement, par le suffrage universel ; mais par le fait social elle n’aboutit qu’à un malentendu immense et qui doit durer tant que dureront les mêmes effets d’ignorance et de misère. C’est un cercle vicieux à rompre. Chacun possède sa part de souveraineté ; c’est le droit égal, reconnu, de tous. Mais l’égalité reste fictive tant que chacun ne possède pas la même part d’avantages en compensation des mêmes devoirs.

Nous avons, il est vrai, le système qui consiste à faire des biens sociaux la récompense du plus fort, ou du plus habile, tous étant admis au concours. Beaucoup prennent cela pour la justice même. Au fond, ce n’est pas autre chose que la loterie appliquée à l’ordre social, le sort distribuant les capacités comme les numéros. C’est encore une sorte de mât de cocagne. Mais ce système si vanté, fort habile d’ailleurs, n’est pas un système social digne de ce nom. Il change la situation des individus, il ne change pas celle des masses ; il aplanit les obstacles que rencontrait autrefois la basse naissance, mais il conserve, quant à l’ensemble, les mêmes rapports d’inégalité. Peu importe, en effet, au point de vue général, que tel ou tel heureux soit parti de telle ou telle condition ; ce qui importe, c’est que l’éducation, le loisir et le bien-être, les richesses morales et intellectuelles de l’humanité, sont toujours dévolus au petit nombre, tandis que la masse en est privée. Le droit politique est une erreur, ou un mensonge, s’il n’implique pas le droit social.

La liberté porte-t-elle en elle-même, ainsi que l’affirment les économistes, la solution du problème ? Elle ne le formule