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quences sont l’accumulation des produits du travail dans les mains blanches et effilées de celui qui ne s’est donné que la peine de naître ; c’est le spectacle, partout étalé sur notre terre, de familles nombreuses réduites à végéter sur un maigre enclos, ou même ne possédant rien, à côté de l’oisif, possesseur de vastes espaces, et vendant au travailleur le droit de vivre, sur enchère au rabais. C’est la récompense transmise à qui n’a rien mérité ; c’est l’inégalité perpétuée ; c’est, par une étrange filiation, le droit à l’oisiveté découlant du droit du travail devenu hiérarchique, et par ancienneté suzerain, c’est-à-dire oppresseur, du travail nouveau ; le droit ennemi du droit, la justice contre la justice !

N’y a-t-il pas là une anomalie dont on doit chercher le nœud ?

Évidemment il y a erreur quelque part. Si le droit de propriété est un droit primordial, sacré, il appartient à tout homme, et doit être accessible à tous. Laissant de côté les rengaines sur la puissance de l’ordre, de l’économie, du labeur, etc., il faut reconnaître que tout le monde ne peut posséder un grand nombre d’hectares, de rente sur l’État, maisons, serviteurs. Si tout le monde était riche, il n’y aurait plus de travailleurs, conséquence absurde. Or, si tout le monde ne peut être rentier, la richesse, telle qu’elle est constituée actuellement, est un privilège, donc une immoralité. C’est fâcheux à dire, car cela indigne et fâche beaucoup de gens. Mais comment faire ? Ce n’est pas une opinion personnelle ; c’est une déduction rigoureuse du droit nouveau. La loi politique le reconnaît, le proclame, tous les hommes ont un droit égal. Or le principe de la rente est contraire au principe d’égalité.

Le point à saisir, dans ce débat, c’est où le droit individuel de propriété s’écarte du droit général.