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Pensez, vouloir, sans moyens propre de réaliser, c’est une compression, une souffrance, une lacune dans l’être. Si, pour donner une forme à ma pensée, pour transformer la matière, il me faut la permission du corps social, permission qui, naturellement, peut m’être refusée, il ne dépend plus de moi d’être moi, d’accomplir ma destinée. Mon ardeur, mes efforts, sont inutiles ; c’est la règle qui dispose, et ma pauvreté au sein de la richesse sociale n’est pas moindre que celle du prolétaire actuel ; car le plus âpre sens du mot pauvreté, c’est dépendance. C’est par là que la pauvreté abaisse ceux qu’elle frappe. C’est par là que la moitié de son âme est retirée à l’esclave. L’homme a besoin du pouvoir, non sur ses semblables, mais sur le monde. Créer de rien est un non-sens. Pour créer, il faut posséder, avoir à soi, ne devoir compte qu’à soi de ses essais, de ses fautes, être responsable et libre.

Le droit de propriété est donc bien un droit véritable et nécessaire. C’est la forme la plus accusée de l’individualité dans l’être, considéré seul. Assurément, vis-à-vis d’autrui, le droit, en se combinant, se modifie ; mais il ne peut être anéanti.

Or, si ce droit sacré de possession de mon œuvre m’est reconnu, si, me possédant moi-même, le produit de mes forces et de ma volonté m’appartient également, ce droit est entier, complet, et toute restriction le viole. Ce qui est à moi, donc, étant bien à moi, j’en puis disposer à mon gré. Je puis le donner aujourd’hui, demain, plus tard, le léguer enfin. Le droit ne se prescrit pas, en vraie justice. Le droit de propriété entraîne donc le droit d’héritage.

Voyons maintenant les conséquences de ce droit, tel qu’il s’exerce dans la société actuelle. Ce sont elles qui frappent surtout les partisans de l’abolition de l’hérédité. Ces consé-